Le soleil brillait de tous ces feux sur l'océan calme, et ma traversée agréable vers la majestueuse Afrique devait prendre fin dans quelques heures.

Étendue de tout mon long sur le pont du bateau, les bras croisés derrière ma tête, je me languissais de la caresse du chaud vent marin dans mes cheveux blonds qui voletaient follement autour de ma tête. J'avais vite retiré mon uniforme dans lequel je cuisais littéralement, à raison des rayons que l'astre solaire dardait sur nous, pauvres humains. Les marins qui s'affairaient tout autour de moi étaient étrangement silencieux, cette chaleur de fin d'après-midi ne nous donnant qu'une seule envie : nous jeter à tribord pour aller goûter la fraîcheur de la mer, avec les requins qui eux viendraient sûrement goûter la fraîcheur de notre chair.

Mes pensées dérivaient comme les nuages dans le ciel, que j'observais d'un regard absent. Toutes sortes d'images traversaient ma tête, des Afriques que je m'inventais, n'y étant jamais allée et étant curieuse de comment on y vivait. Je ne savais pas grand chose de l'Afrique, mais on m'avait montré quelques photos, parmi lesquelles celles d'un magnifique coucher de soleil dans ce qu'ils appelaient la 'savane'.

-Je me demande si je verrai des girafes...

Un marin vint répondre à la question que je me posais tout haut :

-C'est t'ès p'obable, ma dame. 'y a beaucoup de gi'afes en Af'ique.

Quand j'étais embarquée sur le bateau, c'était la première fois que je rencontrais quelqu'un avec une peau si fonçée. D'abord intriguée, il m'avait appris que tous les gens d'Afrique et même d'autres pays avaient la peau noire ainsi. J'avais la pâleur d'un cadavre à côté de cet homme. Heureusement, mon séjour en Afrique allait sûrement me permettre de bronzer un peu et de revenir légèrement moins blême. Pour en revenir aux girafes, c'était un animal qui m'intriguait énormément. On disait qu'elles étaient énormément grandes, plus grandes encore qu'un éléphant. Je me demandais comment elles faisaient pour marcher avec de si grandes pattes et un si long cou... Je n'étais pas la plus culturée de la bande, évdiemment, mais j'étais sûrement l'une des plus curieuses, et je brûlais de savoir si les girafes étaient vraiment si grandes. Interrompu alors mes réflexions l'appel d'un marin :

-Nous sommes a'ivés, ma dame!

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Le sillement des cigales et autres insectes, mêlés aux bavardages incompréhensibles des commerçants, marins et paysans qui s'affairaient autour du port créait une véritable cohue de sons qui m'étaient pour la plupart inconnus. Tout d'abord légèrement désorientée par la chaleur étouffante et le chaos sonore qui m'entouraient, je finis par aperçevoir à travers la masse de noir - ô, délivrance! - une tête bleue.

Ce ne pouvait être qu'elle. Le reflet d'une croix au soleil me le confirma. Je m'avançai vers elle...

-Hé, salut! Ce doit être toi... Eve Elizabeth?

Ève semblait savoir où aller. Plus ou moins. Je la suivais, détaillant le paysage tout autour ainsi que ma nouvelle partenaire, qui me semblait d'ailleurs bien sympathique. Tout autour de nous, les gens s'affairaient, se parlant dans un langage complètement étranger dont j'ai vite cessé de tenter de comprendre. D'ailleurs, quelque peu énervée par mon incapacité à différencier les gens et à comprendre leurs dires, je me mis à la détailler plus précisément, sans toutefois me vouloir envahissante. Marchant derrière elle, je ne puis pas observer son visage, mais je pus quand même me faire une idée générale de son apparence. Ses cheveux bleus captaient inéluctablement mon attention - de par leur couleur, qui semblait naturelle. Je n'avais aucune difficulté à le croire, ayant déjà cotoyé quelqu'un à la chevelure de ce coloris...

Kyo... Où est-tu? Tu me manques... Tu me manques, mon frère. Je veux tant te revoir, te parler, te sentir près de moi comme avant. Rien qu'un instant... Savoir que tu es encore là. Que tu es toujours vivant. Cela seul me conviendrait. Je suis si seule, si fragile sans ta présence. La nuit, je me réveille, t'appelle, mais tu ne me réponds plus. Ton ombre n'est plus mienne. À chaque instant, je suis seule. Même parmi eux, je suis seule. Tu me manques tant, Kyo...

Émergeant finalement de ma douloureuse nostalgie, j'aurais volontiers engagé la conversation, pour me changer les idées, mais j'attendis un moment qu'elle le fasse, pour me rendre compte après quelque minute qu'un silence gêné s'était installé entre nous deux. Puis, du coup, le silence se brisa :

« Tu crois qu’il saura quelque chose ? ».

J'eus un moment d'hésitation. Je n'avais même pas été mise au courant de notre mission, on m'avait appelé à la hâte pour que j'aie la rejoindre, et je n'avais bien sûr pas pris le temps de lire mon carnet de mission, trop occupée que j'étais à faire la folle avec les marins et à contempler le paysage du large. Bravo, Sukki. Maintenant t'as l'air d'une belle tache...

- Honnêtement... je sais pas. J'sais même pas c'que j'fais ici. J'sais même pas c'quoi ma mission...

Je soupirai. Ça se faisait pas, envoyer quelqu'un à l'autre bout du continent sans lui expliquer ce qu'il a à faire...

- Si c'est une affaire d'Innocence, c'est certain que des rumeurs courent au sujet d'un phénomène spécial. Faut juste pas se faire prendre, on m'a dit que les légendes africaines étaient pas les plus raisonnables...

[HRP : C'est un peu court, excuse-moi de t'avoir fait attendre pour une réponse aussi merdique... Ma seule excuse est que j'ai été malade.]

Ce matin là, un homme s’était levé, pour aller au marché. Il avait quitté le chevet de sa femme malade pour aller acheter un peu de nourriture avec le peu d’argent qu’il avait. Lorsqu’il s’était levé, sa femme était mourante, mais il ne devait pas négliger ses cinq enfants qui criaient famine après les journées entières de travail. Alors il fit une petite prière et s’en alla au marché.

Il y croisa une tonne de gens, tous venus au marché cette journée là pour des raisons différentes. L’un était venu quêter, mendier. L’autre venu vendre le poisson pêché. À travers cette masse de noir, l’homme croisa les yeux du diable. Un regard aussi rouge que le sang, une peau aussi blanche que la neige. Et alors il su que sa femme était morte.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que cet étrange homme au chapeau qu’il croiserait à son retour du marché lui offrirait de la revoir...

« Ah ! Excuse-moi, je pensais que tu savais. Nous devons exterminer des Akumas et donc je me disais que s’informer auprès des habitants, s’ils n’ont pas vu de choses étranges, serait un bon début ».

Une période de réflexion partagée s'ensuivit. Chasse aux Akuma... Cela rendait notre tâche plus difficile. Si les Akuma étaient parfois la cause d'évènements peu subtils, ils pouvaient se faire d'une invisibilité incroyable lorsqu'ils se cachaient dans la foule, nombreuse au marché où nous nous trouvions. Alors qu'Ève interrogeait les passants, je restai aux aguets, plus loin - un Akuma pouvait surgir de pratiquement n'importe où.

Autour de moi, des gens se massaient, des humains, des Akuma. Des tueurs potentiels. De possibles alliés du comte. On me l'avait bien dit - tous les humains devaient être considérés comme des ennemis, jusqu'à preuve convaincante du contraire. J'étais entourée, envahie par ces ennemis cachés, tellement que mes yeux en balayaient la foule comme ceux d'un rapace, frénétiquement. Mes mains se crispaient, se décrispaient au rythme de ma respiration, je sentais le stress dans tous les muscles de mon corps. Tant de suspects m’entouraient. Invoquer l’Innocence ne serait peut-être pas une bonne idée – ne connaissant pas les croyances africaines, je ne savais pas ce qu’ils allaient en penser. Dans des pays plus industrialisés, comme en Europe, on avait plus de chances d’être traités de fous que de démons...

« Ève... sois prudente... »

Suite aux révélations d'un marchand que j'écoutai d'une oreille distraite, je suivis sans mot dire ma compagne aux cheveux d'azur. Après un moment, je m'étais habituée au coloris particulier de ses cheveux. Tant mieux, je n'avais aucune difficulté à la suivre dans la masse de noir et de marron qui se mouvait tout autour de nous.

Je ne parvenais pas à sortir de cette étrange transe de semi-sommeil mêlé d'une constante alerte. Ève menait la marche, et je suivais derrière, silencieuse comme son ombre... Je n'étais pas moi même.

Cet homme, peut-être est il un... un...
Ah, Kyo... Pourquoi reviens-tu me...
Cette femme est passée trop près... Elle a dû...
Connaître Kyo... peut-être est-il passé par ici...
Tout comme eux. Ce petit couple, là-bas... je n'aime pas leur regards...
Ils me rappellent...
Kyo... Akuma...

À nouveau, je secouai la tête, et me concentrai exclusivement sur les comportements des gens autour...

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Le chemin se fit sans encombres aucune sinon la chaleur et le soleil plombant de fin d'après midi. Ève se rendit à la demeure d'un homme qui vivait seul avec ses cinq mômes. De ce que j'entendis, sa femme était morte, il y a peu de temps.... C'était prometteur. Ève me fit un signe de tête et lança l'assaut face à l'Akuma nouvellement révélé. Reculant de quelques pas, invoquant l'Innocence, je me préparai mentalement à un combat bref et décidai de laisser Ève mener l'offensive. Restant en retrait, je m'assurai qu'aucun autre Akuma ne s'interpose, et restait prête à seconder ma compagne si il lui arrivait malheur.

Non... pas maintenant, Kyo... Va t'en...